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27 mars (1920)

Au mois de mars, la manifestation au Théâtre de l'Œuvre, cette courageuse entreprise dirigée par Lugné-Poe, montra le maximum de vitalité de Dada. On refusa 1200 personnes. Dans la salle les spectateurs étaient 3 pour une place; on étouffait. Des spectateurs enthousiastes avaient apporté des instruments de musique pour nous interrompre. Des ennemis de dada jetaient des balcons des exemplaires d'un journal anti-dada «Non» qui venait de paraître et où nous étions traités de fous. Le scandale atteignit des proportions tout à fait inimaginables. Soupault proclama: «Vous êtes tous idiots, vous êtes dignes d'être présidents du Mouvement».

Breton lut avec une voix de tonnerre dans l'obscurité complète un manifeste peu aimable pour le public. Ribemont-Dessaignes lut un Manifeste à l'huile. (...) J'ai inventé à l'occasion de cette soirée une machine diabolique composée d'un claxon et de 3 échos successifs et invisibles pour imprégner dans l'esprit du public quelques phrases sur les buts de Dada. Celles qui firent plus de sensation étaient: «Dada est contre la vie chère», «Dada – Société anonyme pour l'exploitation du vocabulaire» et «Dada est un microbe vierge». On joua encore 3 petites pièces de théâtre, de Soupault et Breton, de Ribemont-Dessaignes, et la «Première aventure céleste de Mr. Antipyrine» que j'avais écrite en 1916. Cette pièce est un match de boxe avec les mots. Les personnages récitaient leurs rôles immobiles dans des sacs et des malles, et on peut facilement s'imaginer l'effet que cela produisit, dans une lumière verdâtre, sur le public.

-- Tristan Tzara: Œuvres complètes, Flammarion, 1975.

p.595 – QUELQUES SOUVENIRS: Original inédit en français (TZR 533, dactyl. 12 ff.), publié en anglais, avec quelques coupures: «Some memoirs of Dadaïsm», Vanity fair, New York, juillet 1922.

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