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Vietnam / coup d'État (1963)


Mai 1963: Une crise politique et religieuse éclate dans l'ensemble du Sud-Vietnam. «Les bouddhistes, furieux des atteintes à la liberté religieuse dont se rendait coupable le régime de Diem, lancèrent des mouvements de protestation qui se heurtèrent à de violentes représailles des forces de sécurité. La brutalité de la répression provoqua de nouvelles protestations, dont d'horribles auto-immolations de bonzes.» (MN 61)

21 août: le gouvernement sud-vietnamien "déchaîne la répression": «Nhu ordonna à une unité militaire d'élite d'attaquer les pagodes bouddhistes à l'aube. Les soldats enfoncèrent les portes barricadées et rossèrent les bronzes qui résistaient. (...) Quand les rapports sur les violences affluèrent à Washington, le 24 août [1963], plusieurs des responsables que nous avions laissés aux commandes y virent une occasion d'agir contre le régime de Diem. Avant la fin de la journée, les États-Unis avaient donné le coup d'envoi à un putsch militaire, ce que je crois être l'une des décisions vraiment cruciales sur le Vietnam prises sous les administrations Kennedy et Johnson.» (MN 64)

Un télégramme fatidique est expédié depuis Washington à l'embassadeur au Vietnam – contenant la consigne de contacter les "chefs militaires clés" en vue d'un putsch. – "L'année suivante, dans une interview (...), Bobby Kennedy rappela que son frère considéra la décision comme une erreur de première grandeur. (...) Il croyait que le texte avait le feu vert de McNamara, de Taylor, et de toute le monde au département d'État. En fait, c'était Harriman, Hilsman et Mike Forrestal à la Maison-Blanche, c'est-à-dire les chauds partisans d'un coup d'État.» (MN 66) - (cf. personnages)

Dès réception du télégramme, l'ambassadeur (Henry Cabot Lodge Jr.) confie la réalisation de l'opération à la station locale de la CIA. "A cette date, Cabot Lodge occupait ses fonctions depuis deux jours exactement." Il craint que le Vietnam-Sud ne prenne ses distances avec les Etats-Unis et "s'oriente vers la neutralité". – "A la demande de Cabot Lodge, le chef de la CIA ne perdit pas une minute pour dêpécher des agents auprès du général Tran Thien Khiem à Saigon et du général Nguyen Khan à Pleiku." (MN 67)

27-28 août: Kennedy réunit ses conseillers, qui émettent des doutes sérieux sur l'opportunité d'un coup d'Etat militaire. L'indécision règne. Cabot Lodge, "inexplicablement", n'a aucun entretien avec Diem. Tout aussi "inexplicablement", la possibilité d'un retrait des forces américaines n'est pas même discutée. «Il y avait dans notre position bien des incohérences et des incogruités.» (MN 73)

26 septembre: McNamara effectue une visite de 10 jours au Sud-Vietnam. 29 septembre: entretien de 3 heures avec Diem (qui affiche l'arrogance d'un petit dictateur). – 2 octobre: réunion à Washington. Kennedy donne son accord au retrait de 1000 hommes (sur 16'000) d'ici fin 1963. Un changement de régime "n'est pas à encourager". – 25 octobre: un télégramme de Cabot Lodge informe que "la conspiration des généraux est maintenant très avancée" et demande l'aval de Washington. Réunion: les conseillers (McNamara, Harkins, Taylor, McCone) s'opposent fermement au coup d'Etat. Instructions pour Lodge: «intervenir pour persuader les dirigeants du coup d'Etat d'arrêter ou de retarder toute opération (...)».

«Il fallut près de deux mois aux généraux sud-vietnamiens pour rassembler leur courage et prendre les mesures auxquelles l'insistance de leur allié les poussait. Finalement, le 1er novembre, ils renversèrent Diem. Nhu et lui furent tués au cours de l'opération». (HK 592)

«Quand le président Kennedy apprit la nouvelle, il blanchit littéralement. (...) Il n'avait jamais paru aussi déprimé depuis la baie des Cochons.» (MN 93) – Cabot Lodge, quant à lui, considère le coup d'Etat comme «une opération d'une compétence remarquable sur les plans militaire et politique».

KISSINGER: «Le coup d'État détruisit la structure qui s'était édifiée pendant dix ans, tout en portant au pouvoir un groupe de généraux rivaux, sans expérience politique, sans partisans civils. Pendant la seule année 1964, on assista à sept changements de gouvernement, dont aucun n'apporta un semblant de démocratie et qui survinrent tous à la suite d'un coup d'État. Manquant tous de prestige et de légitimité (Diem au moins incarnait la figure mandarinale classique), ils n'avaient guère d'autre choix que de confier la guerre aux Américains.» (HK 592)

Nouveaux leaders:

Nguyen Van Thieu: général né en 1929, il est devenu chef de l'État du Sud-Vietnam en 1965. A accédé au pouvoir au lendemain du coup d'État contre Diem. A gardé la présidence jusqu'à l'effondrement du Sud-Vietnam, au printemps 1975.
– Nguyen Cao Ky: né en 1930, il a été commandant de l'aviation (1964-1965). Premier ministre (1965-1967) et vice-président (1967-1971) du sud-Vietnam. Membre du corps des sous-officiers arrivés au pouvoir après la mort de Diem.
– Nguyen Khanh: né en 1927, grande figure du coup d'État contre Diem. Chef de l'État du Sud-Vietnam (1964-1965). S'est d'abord opposé à une action militaire des États-Unis contre le Nord-Vietnam, puis l'a préconisée. (MN 338)


22 novembre 1963: assassinat de J.F. Kennedy.



-- [AK] André Kaspi: Les Américains, Paris, 1986.

-- [NC] Noam Chomsky: Intervention in Vietnam & Central America (dans: De la guerre comme politique étrangère des États-Unis, Marseille, 2001).

-- [HK] Henry Kissinger: Diplomacy, New York, 1994. (Diplomatie, Paris, Fayard, 1996)

-- [MN] Robert McNamara: In Retrospect. The Tragedy and Lessons of Vietnam, 1995. (Seuil, 1996)

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